Némora des chemins

NEMORA DES CHEMINS

J’ai planté un conte dans de la mousse près d’une source. Il a serpenté jusqu’à un petit lac. Ecoutez le clapotis de l’eau, elle nous raconte son histoire…

Dans les temps anciens, plus loin que les ancêtres de nos ancêtres, vivait une créature mystérieuse. Certains diraient – une fée. Elle apparaissait et disparaissait et modifiait les chemins, cela l’amusait beaucoup. C’était pourtant un peu cruel, car les gens se perdaient et erraient dans les bois jusqu’à ce qu’elle apparaisse et leur indique le chemin, et qu’elle disparaisse aussitôt, car elle était très farouche. Mais, au fil des ans, cela l’amusa de moins en moins, et elle commença à se sentir très seule. Elle continuait toutefois à changer les chemins, par habitude et par ce qu’elle ne savait pas trop quoi faire d’autre.

Or, il arriva qu’un matin d’hiver, alors que la neige commençait à tomber, elle vit venir un jeune paysan qui marchait avec assurance, plein de force et de gaieté. Près de lui trottinait un petit chien blanc qui humait l’air du petit matin. Le jeune homme s’arrêta soudain pour tapoter la tête du chien, dont les yeux noirs brillaient de bonheur. En voyant cela, notre créature ressentit une drôle d’impression, un serrement dans sa poitrine vaporeuse. Elle porta la main à son cœur : était-elle
malade? Que lui arrivait-il?

Non, elle était toujours sans forme très définie, sans substance, toujours aussi magique et solitaire. Là, de nouveau, ce serrement de poitrine… Etait-ce le mot «  solitaire »? Encore un serrement …Elle était malade de solitude!

La créature regarda le jeune paysan et son chien avec hargne: que venaient-ils la narguer, avec leur force, leur amitié? Pourquoi n’étaient-ils pas restés chez eux, dans leur village, en la laissant dans son ignorance sereine? Pourquoi lui faisaient-ils réaliser que ce qu’elle ressentait en les voyant, c’était de l’envie…Elle, une créature du fond des âges, si puissante, jalouse d’un petit chien… Pathétique!
Pleine de colère, emplie d’amertume, elle se jura d ‘éteindre la lueur de bonheur dans les yeux du chien blanc, la lueur de gaieté dans les yeux du jeune paysan; elle allait les perdre si profondément que jamais ils ne retrouveraient leur chemin! Elle allait les perdre si profondément qu’elle les oublierait- qu’elle les oublierait et retournerait à sa vie sans piment. Oui, voilà ce qu’elle allait faire!
Elle commença donc à danser sur le chemin qui se brouilla et se défit selon le rythme de son incantation. Le jeune paysan, surpris par ce brouillard qui se levait autour de lui, par la route qui se tordait et se détordait au son d’une musique irréelle, avait pris son petit chien dans ses bras pour le protéger. Cela ne fit que déchainer encore plus la fureur de la fée…Elle dansa et dansa… jusqu’à ce qu’elle entende la voix du paysan, qui criait son nom:

-Némora! Némora! Que t’ai-je donc fait? Laisse au moins mon petit chien s’en aller! Je t’en prie, fée…
Troublée dans sa transe, Némora hésita…et ressentit un serrement dans sa poitrine vaporeuse. Le jeune paysan l’appelait encore:

-Némora! Montre-toi! Je sais que tu es là!

Elle continua à brouiller la piste. La musique devint stridente…le brouillard devint si opaque que le jeune paysan s’accroupit, son chien toujours dans les bras. Celui-ci , les yeux tristes, lécha la figure de son maître pour le rassurer, puis sauta sur le sol. Il se mit à aboyer contre le brouillard, à hurler à la mort contre la musique, à mordre dans le vide tout en avançant droit devant lui. Le jeune homme le suivait à l’aveuglette, tout en continuant d’implorer Némora:

-Némora, je voulais seulement te voir, savoir qui tu étais. Il y a tellement longtemps que je rêvais de te connaître, toi qui vis ici seule, magicienne qui change les chemins, farceuse qui perd les voyageurs. Et voilà que tu me veux du mal, et voilà que tu me sépares de mon compagnon de route… Pourtant, mon père parlait de toi si souvent, soulignant ton sourire, ta gentillesse, ton espièglerie…

Némora, qui se préparait à séparer à jamais les deux compagnons, s’arrêta net. Elle hésita, finit par baisser les bras, et le brouillard s’effaça peu à peu.

Le jeune paysan vit alors un chemin se dessiner, des fleurs de lys se cristalliser. Son chien accouru
et lui sauta dans les bras. Dans la brume une forme se dessina : d’abord une belle robe composée de voilages, puis des mains délicates aux doigts fins, et de longs cheveux noirs comme le plumage des corbeaux… Son père n’avait pas menti : Némora était vraiment d’une très grande beauté. Elle regardait le jeune homme, et ses yeux verts étincelaient de larmes…

Le regard vif du petit chien allait de son maître à cette belle jeune femme… Vous devinez comment ce conte finit: par un beau mariage près de la source, et bien sûr, au moins cette fois-là, tous les chemins menèrent au même endroit…

 

atelier Volubile, création commune, lundi 03/10011

consigne:

conte tourné, imaginé à quatre mains, sur le thème du conte de Fée…

Chacun des participants en a écrit une partie, puis a passé la feuille à son voisin, qui a continué le conte, pour ensuite céder la parole au participant suivant… Difficile de trouver où chacun a cessé d’écrire!



 

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